Du Mercure Galant, périodique de mode du XVIIe siècle au réseaux sociaux des grands médias d’aujourd’hui, le magazine de mode s’est réinventé au fil des siècles, s’adaptant aux nouvelles technologies et aux nouvelles lubies des consommateurs.
Mais une chose est sûre : si le format du magazine de mode a beaucoup changé au cours du temps, son influence sur la mode, tant du côté des créateurs que de celui des consommateurs est, elle, demeurée constante.
Retour sur près de 5 siècles de presse consacrée à la mode et aux tendances, et sur l’influence passée, présente et future des magazines de mode.
Petite histoire du magazine de mode
Entre gravures de mode, estampes et selfies, le magazine de mode a évolué avec son temps. Petite histoire du meilleur ami des amateurs de style.
XVIIe et XVIIIe siècles
Institution bien plus ancienne qu’on ne pourrait le croire, le magazine de mode abreuve les amateurs de tendances partout dans le monde, y compris dans les provinces reculées, depuis au moins le XVIIe siècle.
On sait en effet qu’un périodique titré Mercure Galant publiait régulièrement, entre autres choses, des articles illustrés à propos de la mode du moment dès la fin du XVIIe siècle en France. Cependant, c’est véritablement au XVIIIe siècle que se développe la presse “mode”. On peut notamment citer le Journal du goût, ou Courrier de la mode, le Lady’s Magazine de Londres, le Cabinet des modes, ou encore le Journal der Moden en Allemagne.
Ces premières publications sont étonnamment proches de ce qui se fait aujourd’hui en matière de magazine de mode. On y trouve principalement des articles présentant les dernières pièces à la mode à Paris, avec plusieurs gravures (d’où l’expression “gravure de mode”) et des conseils pour s’y mettre.
XIXe siècle
Dès les débuts du XIXe siècle, en France comme ailleurs, se développent les premiers magazines de mode à fort tirage, par exemple le Journal des dames et des modes. De nombreux autres titres se développent en parallèle, et dès la fin du siècle, les magazines Vogue (en 1892) et Harper’s Bazaar (1867) voient le jour.
XXe siècle
Au cours du XXe siècle, la tendance se confirme : les grands titres comme Vogue, Harper’s Bazaar et consorts se solidifient tandis qu’une myriade d’autres magazines plus modestes continuent à être publiés régulièrement.
A partir de l’entre-deux-guerres, la presse féminine accorde une importance grandissante aux collections de haute couture, qui n’étaient pas particulièrement scrutées jusque-là. C’est à cette période que naît la coutume d’inviter les magazines aux défilés.
C’est aussi là que se noue le lien, toujours aussi important aujourd’hui, entre créateurs et magazines, les premiers ayant besoin des seconds pour toucher le public.
Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart des magazines de mode que l’on lit aujourd’hui voient le jour : Elle, L’Officiel, Marie France, etc.
Le tournant des années 2010
Globalement, entre la deuxième moitié du XXe siècle et les années 2010, le monde des magazines de mode n’évolue pas beaucoup. On voit apparaître quelques nouveautés, notamment des titres orientés mode adolescente, mais aucun bouleversement à l’horizon. En revanche, à partir de 2010 et de l’avènement des réseaux sociaux, les magazines de mode subissent une importante concurrence des médias en ligne et des premières “influenceuses”, ce qui pousse l’industrie à se réinventer pour prendre la forme que l’on connaît aujourd’hui.
Du cahier des tendances aux magazines de mode : comment la presse féminine fait et défait les tendances
Pour comprendre l’influence des magazines de mode sur l’industrie, et en particulier leur rôle de prescripteurs de tendances, il faut comprendre comment naissent les tendances.
C’est du côté des “bureaux de styles”, ou “agences de prospective” qu’il faut se tourner. Ce sont eux qui, en cumulant et croisant de très nombreuses données issues des secteurs de la haute couture bien sûr mais aussi de l’art, de la culture, de la distribution, etc., dénichent les tendances de demain.
Une fois cette collecte réalisée, on crée le “cahier des tendances” de l’année qui s’annonce. Cette bible comprend 4 grandes thématiques pour chaque saison, avec à chaque fois des matières, formes, couleurs, ambiances, etc. Enfin, tout cela est décliné pour le monde de la mode, celui de la déco…
C’est ce fameux cahier des tendances qui est livré (ou plutôt vendu) aux magazines de mode (entre autres), qui se chargeront de révéler son contenu au public au moment opportun.
De fait, le rôle du magazine de mode dans l’industrie est absolument crucial. Il est l’intermédiaire nécessaire entre les créateurs et les consommateurs. Sans lui, pas de consommateurs de mode !
Toutefois, il faut bien admettre que ce rôle central tend à se fragiliser à l’ère des réseaux sociaux. Les créateurs et marques de mode pouvant jouer eux-mêmes le rôle de prescripteur en annonçant les tendances sur leurs profils, elles n’ont plus autant besoin des magazines qu’avant.
De plus, le rôle grandissant des influenceuses, nouvelles it-girls du XXIe siècle, remet en question le processus de fabrication des tendances. Avec leurs immenses communautés de followers, elles peuvent créer elles-mêmes les tendances de demain, sans avoir besoin des agences de prospective.
Cette configuration met donc en jeu la notion même de “tendance de mode”, puisque les trends d’aujourd’hui ne dépendent plus uniquement de ce que veut mettre en valeur l’industrie de la mode au sens large.