Quand j’étais plus jeune, j’étais convaincue d’avoir un ventre rond de bébé. Vraiment convaincue. Or, ce n’était pas le cas. Je ne le savais pas à l’époque, mais cette distorsion de la réalité corporelle porte un nom : la dysmorphophobie. Qu’est-ce que c’est ? Quels en sont les symptômes et comment en guérir pour accepter son corps tel qu’il est réellement et retrouver l’estime de soi ?
Qu’est-ce que la dysmorphophobie ?
Étymologiquement, le terme dysmorphophobie est constitué :
- du préfixe « dys » qui induit l’anomalie, le mauvais fonctionnement ou la difficulté
- du grec « morpho » qui signifie forme
- du grec « phobos » qui signifie crainte
C’est un trouble de la perception du corps, qui amène les personnes qui en souffrent à se voir différemment de ce qu’elles sont. Ce qui impacte bien sûr l’estime de soi. La préoccupation — qui peut virer à l’obsession — de certaines caractéristiques physiques peut sembler anodine pour l’extérieur, mais la personne qui en souffre est en réelle détresse. Forme du nez, du visage, du ventre ou des mains : aucune partie du corps n’est épargnée par cette distorsion de la réalité.
Oui, parce que le principe de la dysmorphophobie, c’est que la perception est faussée. On voit sur notre corps quelque chose qui n’existe pas, ou très peu, et que les gens autour de nous ne remarquent pas. Pour nous, en revanche, c’est un problème majeur qui engendre une détresse psychologique voire une souffrance intense et une insatisfaction corporelle.
À tel point que la dysmorphophobie est classée à la CIM-11 (11° édition de la classification internationale des maladies), parmi les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou apparentés. Ce qui signifie qu’elle est reconnue par la communauté médicale internationale comme une véritable maladie.
Dysmorphophobie : comment se manifeste-t-elle ?
Il ne suffit pas d’être complexée par la taille de son nez ou la forme de ses genoux pour établir un diagnostic de dysmorphophobie. Au-delà d’une caractéristique physique déplaisante, la notion de distorsion de la réalité est primordiale.
C’est le cas par exemple des personnes qui se voient grosses alors qu’elles ne le sont pas. Ce n’est pas de la fausse modestie de leur part, non ! Elles se voient et se sentent en surpoids, elles sont intimement convaincues d’avoir une forte quantité de tissu adipeux là où un œil extérieur ne verra que de la peau. Mais cette vision erronée de son corps peut également concerner :
- des défauts cutanés (cicatrices, acné, tâches de rousseur ou grains de beauté),
- la perception de la forme du nez, de la poitrine, des paupières, du cou, etc.
S’ensuit une véritable obsession pour corriger ou (à défaut) cacher ce que l’on pense être un défaut massif. Prenons l’exemple d’une personne obsédée par la forme de son nez, convaincue qu’il est trop gros pour son visage. Elle passera un temps fou à le maquiller pour en atténuer la forme, usera d’astuces pour attirer l’attention sur une autre partie de son visage ou de son corps. Mais là encore, ça ne règle pas le problème. Vérifications perpétuelles dans le miroir, refus d’apparaître sur des photos, main devant le visage en public : autant de stratagèmes pour cacher ce nez qui n’est immense que dans sa perception. N’utilisons pas ici le terme « imagination », car pour les personnes souffrant de dysmorphophobie, c’est leur réalité. Dans le but d’accepter son corps, cette personne pourrait aller jusqu’à la chirurgie esthétique pour modifier la forme de ce nez qui la fait souffrir au quotidien.
Mais la dysmorphophobie étant un trouble psychologique et non physique, « régler » le problème ne fera le plus souvent que le déplacer. Puisque c’est la distorsion de la réalité qui est un trouble, et non la forme du nez. L’estime de soi ne se répare pas à coups de bistouri !
Dysmorphophobie : les causes
Les causes de la dysmorphophobie sont assez complexes.
Il peut par exemple s’agir de brimades ou de traumatismes subis en rapport avec une partie du corps : une personne qui aura entendu dès son plus jeune âge qu’elle a de grosses fesses, un postérieur généreux, qu’elle a un rembourrage intégré en cas de chute (etc.) risque d’intégrer le fait qu’il y a un problème avec ses fesses. Et ce, quand bien même elle passerait le reste de sa vie à faire des squats pour muscler sa chute de reins, les dénigrements restent ancrés au plus profond de nous, et deviennent partie intégrante de notre réalité.
Lorsqu’on a une faible estime de soi, on peut également être exposé au risque de dysmorphophobie. Les personnes qui manquent de confiance et passent leur temps à se comparer, à se convaincre qu’elles ne sont pas assez ceci, trop cela vont à la longue altérer leur perception corporelle jusqu’à souffrir de cette distorsion de la réalité.
Enfin (et non des moindres !), l’influence de la société grossophobe et patriarcale, couplée avec l’usage massif des réseaux sociaux est un facteur aggravant de ce trouble. Comment accepter son corps quand il ne correspond en rien aux critères de beauté ambiants ? Rien de tel pour grignoter petit à petit l’estime de soi que d’être exposée en permanence à des physiques retouchés, liposucés, liftés, j’en passe et des meilleures ?
Dysmorphophobie : comment en guérir ?
On l’a vu, la dysmorphophobie est une maladie. Il ne suffira donc pas d’un peu de méthode Coué et d’une confrontation à son miroir pour accepter son corps tel qu’il est. Tout comme il ne suffit pas de pratiquer la pensée positive pour sortir de la dépression.
Lorsque l’on souffre de cette distorsion de la réalité, un accompagnement peut être la solution pour retrouver l’estime de soi indispensable pour guérir de la dysmorphophobie. Qu’il s’agisse de suivi psychologique ou de suivi diététique comportementaliste, l’important est de se faire aider pour retrouver une conscience réelle et objective de son corps.
